La mort du Temps (JEUNE ADULTE) (French Edition) by Aurélie Wellenstein

Auteur:Aurélie Wellenstein [Wellenstein, Aurélie]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782367405018
Éditeur: Scrineo
Publié: 2017-05-17T22:00:00+00:00

15

Parvenue à l’air libre, Callista prit une grande goulée d’air. Rien n’avait changé. Les murs organiques pulsaient lentement. Roland déplaçait le poids de son corps d’une jambe à l’autre. Ses doigts humains tripotaient la garde de son épée. Callista grimaça à sa vue : il offrait une vision absolument épouvantable avec son estramaçon et son apparence hideuse. Sa main serra celle de Jeanne, mais la petite fille ne parut pas s’effrayer de l’aspect contre-nature du croisé.

– Vous êtes un vrai chevalier ? demanda-t-elle.

– Roland de Forceval, pour vous servir, se présenta-t-il gauchement.

– Et le cheval, comment il s’appelle ?

L’œil humain de Roland s’écarquilla. Sa lippe trembla une seconde, le rendant encore plus laid si c’était possible.

– Tyrael, répondit-il après une hésitation.

– C’est joli, déclara Jeanne.

Puis, dans le même souffle, elle enchaîna :

– Ma copine Eugénie, elle fait du poney. Son préféré, c’est Ohio State, parce qu’il fait tomber tout le monde sauf elle. Enfin, c’est ce qu’elle raconte. Bref, je suis sûre qu’elle aimerait bien être un centaure comme vous. Vous avez drôlement de la chance, parce que ma maman elle s’est mélangée à une table, et du coup, elle va rejoindre les anges maintenant.

– Je vais dire une prière pour elle, dit cérémonieusement le croisé.

– Merci. Moi, je vais pas à l’église, alors je connais pas les prières, tout ça. Le dimanche, je préfère aller au foot. Vous aimez bien le foot ? J’ai eu du bol parce que, quand il y a eu le tremblement de terre, j’étais dans le jardin pour faire des jongles. Je peux faire dix jongles avec mon chewing-gum, c’est assez fort. Après, je le lance et je le rattrape avec ma bouche. Vous voyez le genre ? Vous voyez ou pas ?

– On ne peut pas rester là, intervint Callista, soulagée que Jeanne ne fasse aucune difficulté au sujet de son compagnon. Il faut partir. Donne-moi la main, Jeanne.

– Pourquoi ? Y a plus de voiture.

Callista la plaça toutefois entre elle et le flanc de Roland, et ils se mirent en route. La petite fille n’avançait pas vite et elle s’en inquiéta. Jamais elle ne tiendrait dans l’épreuve qu’était l’exode.

Il faudra bien qu’il accepte de la porter, songea-t-elle en lorgnant Roland.

Heureusement, le chevalier couvait la petite du regard. Sa réaction dénuée de peur lui avait attiré les faveurs du croisé.

– Dis-moi, dans quelle ville sommes-nous ? voulut-elle savoir.

– Tu ne sais pas ça ? répliqua la fillette d’un ton un peu supérieur. C’est Reims.

– Reims ? releva Roland.

Il regarda autour de lui, impressionné.

– Mon roy, Louis IX, a été sacré en sa cathédrale. J’y étais.

– Ça n’a rien à voir avec Reims, lui glissa Callista.

Et une expression haineuse traversa le visage déformé de son compagnon.

– Le Malin, cracha-t-il.

– N’effrayons pas la petite. S’il vous plaît.

Ils progressaient dans la ville chamboulée. Le spectacle était dérangeant, et Callista s’inquiétait de l’effet que produisaient sur Jeanne les murs amalgamés à des corps humains. La fillette essayait de faire bonne figure, mais à l’entendre renifler, elle ravalait de gros sanglots.

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